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Incises de dialogue : vous êtes indécis ?

Dernière mise à jour : 26 mai 2021

Faut-il mettre des incises dans un dialogue de roman ? Comment insérer les incises dans les répliques de dialogue ? Quel type de verbes pour les incises ? Avec ces trois premières questions relatives à l'écriture d'un roman, vous avez déjà matière à réflexion et surtout à amélioration de votre style. L'écriture de vos dialogue définit aussi votre style. Certains choix sont à faire. Et il convient surtout d'agir avec méthode pour parvenir à l'effet souhaité. Quelques procédés peuvent vous sauver la mise et surtout guider le lecteur dans la compréhension des interactions entre les personnages. Focus sur vos lignes de dialogue.


Vous parcourez les passages de dialogue de votre roman, et là, vous prenez conscience que toutes les répliques reçoivent un verbe d'incise... systématiquement... pas très naturel tout ça... un peu lourd... répétitif... pas toujours utile... Bon, vous sentez qu'un élagage ornemental s'impose pour que tout ça prenne forme de manière fluide, dynamique, naturelle.

Première question à se poser quand vous écrivez vos dialogues : le lecteur peut-il identifier instantanément qui parle ? S'il doit relire le dialogue pour mettre un nom sur chaque parole... alerte rouge.

Deuxième question : comment transcrire l'intonation pris par les personnages ? Et c'est là aussi que vous pensez aux incises. Mais êtes-vous sur que ce soit la seule option ? L'emploi d'une incise à chaque ligne de dialogue est désastreux... Alors, comment s'y prendre pour trouver le bon dosage dans le recours aux incises ? Lecture de répliques en stock.


POUR ÉVITER L'EMPLOI DES INCISES.


Comment permettre au lecteur d'identifier qui parle ?

  • Le procédé d'identification le plus simple qui soit. Les personnages se nomment entre eux. Ils sont identifiés par le lecteur grâce à : un prénom, un nom, un surnom, un titre, une fonction, un élément distinctif.

Maman, s’il te plaît ?
Clara, j’ai dit non.
— Allez, Diane. Laisse-la venir avec moi.
Colin, ne me prends pas pour un imbécile. Si Clara vient avec toi, vous allez traîner, et on partira en vacances avec trois jours de retard.
— Viens avec nous, tu nous surveilleras !
— Certainement pas. Tu as vu tout ce qu’il reste à faire ?
— Raison de plus pour que Clara vienne avec moi, tu seras peinarde.
Maman !
— Bon, très bien. Filez. Oust ! Je ne veux plus vous voir.

(Extrait de Les gens heureux lisent et boivent du café, Agnès Martin-Lugand.)


Aucune incise à l’horizon. Bien sûr, ce dialogue constitue l'amorce de roman (incipit). Nous avons 187 pages pour comprendre qui est Clara, Colin et Diane. Et toutes les configurations ne s’y prêtent pas, mais cela fait tout de même réfléchir à l'utilité des incises. Dans un dialogue court, est-ce vraiment nécessaire d’insérer des « demande-t-il » après une question, des « répond-elle » en ligne de réponse ? Si les personnages s’interpellent par leur prénom ou nom, cela pose tous les repères à la bonne compréhension du dialogue. Et si les mots sont bien choisis, posés avec la bonne intonation/ponctuation, le prétexte de l’ « incise expressive » perd toute sa légitimité.


Un premier exemple de dialogue de roman où le nom de la personne à qui s'adresse le personnage est inséré naturellement, quelques verbes d'incises viennent étayer la construction du dialogue. Mais l'emploi d'incises est sombre.

— Bonjour Dan, ça va ?
— Hi, Franck, lance Dan-Black, qui souffle toujours, feint de grimacer sous une crampe.
— Sale temps pour courir, dit l'homme, qui s'est laissé pousser une moustache et une barbe grise depuis leur première rencontre, voici une semaine.
— Sale journée, même, répond Blake, en s'arrêtant à cinq mètres d'eux. (...)
— J'ai pensé à vous ce matin, en voyant le cours des actions Oracle.
— Ne m'en parlez pas. Vous savez ce que je peux prédire pour les jours qui viennent, Franck ?
— Non ?

Extrait de L'Anomalie, Hervé Le Tellier, Gallimard.


  • Si vous souhaitez éviter les verbes d'incises dans les dialogues, une autre option est le recours au deux-points, qui peut s’accompagner d’une très bonne autre option : le paragraphe descriptif, avant, après, au milieu du dialogue. Un procédé qui fluidifie les dialogues de roman.


« Goran identifia les agents spéciaux Sarah Rosa et Klaus Boris. Il y avait aussi Roch, l’inspecteur en chef, qui le reconnut et vint tout de suite vers lui à grands pas. Avant qu’il puisse ouvrir la bouche, le professeur le questionna :
— Combien ?
— Cinq. Toutes de cinquante centimètres sur vingt, et de cinquante de profondeur… D’après toi, qu’est-ce qu’on enterre dans des trous comme ça ?
Une chose dans chaque fosse. La même chose.
Le criminologue le fixa, interrogateur.
La réponse arriva :
— Un bras gauche. »

Voilà, tout est clair, on sait qui parle à qui. Aucune confusion, aucune lourdeur. Net et précis.

Autre exemple de dialogue bien mené ci-dessous :


« Cette fois, la réponse était évidente. Non, ce n’était pas crédible.
— Alors, que fait un homme comme ça avec le cadavre d’une fillette dans sa voiture ?
Stern intervint :
— Il a tout nettoyé…
Goran convint :
— Il nous enchante avec cette perfection pour que nous ne regardions pas ailleurs… Et où ne nous sommes pas en train de regarder, en ce moment ? »

  • Plutôt qu'une incise lourde, le texte descriptif après la dernière réplique permet toutes les libertés de longueur, vous n'êtes pas limité dans l’expression des émotions, des sentiments, des réflexions du personnage qui vient de parler. Lisez plutôt.

« (…) — Ce sont elles ? demanda Goran.
Mais cette fois, il connaissait la réponse.
— D’après l’analyse des PCR, ce sont des filles, blanches, entre neuf et treize ans…
Des petites filles.
Roche avait prononcé la phrase sans aucune inflexion dans la voix. Comme un crachat, qui rend la bouche amère si on le retient trop longtemps. »

Ces extraits sont tirés du thriller Le Chuchoteur de Donato Carrisi, traduit de l’italien par Anaïs Bokobza (éditions Calmann-Lévy).


Autre exemple d'introduction d'un dialogue par deux-points qui évite l'emploi d'une incise en première ligne. Le dialogue est fluide. Cela aurait dilué l'effet voulu par l'auteur s'il avait inséré un verbe d'incise en première réplique.

David inspire profondément, et demande :
— Pronostic ?
— Comment le formuler ? C'est une saleté.
— Ce qui veut dire ? Mes chances ?

(...) Extrait de L'anomalie, Hervé Le Tellier, Gallimard.


OPTIONS POUR EMPLOI D'INCISES DE DIALOGUE


Dans le cas où les incises sont nécessaires à la mise en place d'un dialogue, deux options s'offrent à l'écrivain : la discrétion ou l'exubérance lexicale.


  • Option 1 : limiter sa liste de verbes aux trois verbes de parole dire, répondre, demander. Ainsi, les incises sont présentes mais se font oublier, les interlocuteurs s’identifient par les prénoms. Vous en trouvez des exemples dans tout roman qui contient des dialogues. Le seul conseil valable est celui de ne pas mettre une incise à chaque réplique.

  • Option 2 : élargir sa liste de verbes. Attention, la tentative de préciser les inflexions de voix, justement, des personnages peut donner des choses fantaisistes. Des auteurs s’éloignent des verbes de parole conventionnels — 1re liste ci-dessous — et utilisent tous les verbes sans restriction.


Exemple d'incises dans les dialogues (extraits de Rois du monde, tome 1 : Même pas mort , Jean-Philippe Jaworski, éditions Moutons électriques).


"(...)
—C'est généreux de ta part, a souri Albios.
—Sur qui a-t-on jeté un interdit, a demandé Gudomaros.
—Sur moi !" ai-je lancé, avec hargne parce que je ne supportais pas qu'un autre le dise à ma place.

Ou encore

—Je reviendrai aussi vite que le temps me le permettra, grogne-t-il.

Ou encore

—Je n'aurais pas dû te le dire, grommelle Albios.

Autre exemple extrait de La Chose, John W. Campbell :

Le physicien s'approcha. "Je suis là. Qu'est-ce que tu veux ?
- Tu es sûr ?" ricana le biologiste, qui retomba allongé, secoué par un rire muet.
Connant le dévisagea, perplexe. "Hein ! Sûr de quoi ?
- D'être là, s'esclaffa Blair. D'être Connant ! Cette bête voulait devenir un homme... pas un chien..."

LISTE NON EXHAUSTIVE VERBES LES PLUS COURANTS

Interrogation : demander, interroger, questionner, s'enquérir.

Réponse : répondre, rétorquer, répliquer.

Explication : expliquer, informer, exposer.

Ordre : ordonner, commander, exiger, intimer, sommer, réclamer.

Prière : prier, implorer, supplier, exhorter, invoquer.

Hésitation : hésiter, bégayer, bredouiller, bafouiller, balbutier.

Surprise : s'étonner, s'émerveiller, s'interroger.

Rire : s'esclaffer, pouffer, glousser, ricaner, se moquer.

Voix haute : s’exclamer, crier, tonner, gronder, vociférer.

Voix basse : chuchoter, murmurer, souffler, susurrer, marmonner.



Les animaux peuvent être une source d’inspiration. Allons-y gaiement. On aime ou on déteste. Aboyer, beugler, coasser, caqueter, grogner, grommeler, jacasser, roucouler, siffler, feuler, gazouiller, brailler, croasser, hurler, rugir, miauler, feuler, râler, bramer, braire, chicoter, hululer, gémir, glapir, ...


Et puisqu'on en est à se lâcher, tous les autres bruits peuvent devenir inflexions vocales... humaines : grincer, couiner, geindre, crisser, ... Tout est permis. Pour le meilleur et pour le pire ! Audace ou maladresse. Le lecteur jugera.


À la course aux synonymes du verbe pleurer, nous avons : chialer, sangloter, se lamenter, larmoyer, pleurnicher, s'apitoyer, suinter. ATTENTION, ce ne sont pas des verbes de parole. Donc, non acceptables pour certains.



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