Pauline T
Allumer la lumière ? Ouvrez plutôt vos quinquets !
Dernière mise à jour : 30 août 2019
Allumer la lumière peut être cité dans le top 5 des pléonasmes que l'on retrouve dans les écritures maladroites de jeunes écrivains. C'est pour moi un des signes flagrants de manque de créativité littéraire. Vous pourriez me répondre que tout le monde le dit, que ce pléonasme sera bientôt consacré par l'usage oral, qu'on chipote ! Si tout le monde le dit (allume-la lumière s'il te plaît !), le lire n'a aucun intérêt !
Ce n'est pas tant l'emploi redondant (allumer signifie « rendre lumineux ») qui me gêne, que le peu d'intérêt d'écrire « il alluma la lumière »... Passionnant, n'est-ce pas ? Le champ lexical de la lumière est si vaste que se contenter de ce pléonasme met en lumière la pauvreté de vocabulaire d'un écrivain, avouez que c'est un peu dommage pour qui a des velléités d'écriture... Mon expérience de lecture de romans me démontre que les romans dans lesquels ce pléonasme est accepté sont, dans l'ensemble, mal écrits et ennuyeux. Si vous êtes partisan du moindre effort, occupez votre temps à autre chose, vous épargnez des pages d'ennui à vos lecteurs. Si vous avez une réelle volonté d'écriture, donnez-vous les moyens de réussir votre projet de roman. Et cela commence par l'enrichissement de son vocabulaire.
Si vous souhaitez améliorer votre expression écrite, cultivez votre sérendipité ! Provoquez la découverte littéraire, sémantique, lexicale... Jouez au jeu des synonymes et des antonymes. Vous pouvez consulter le portail lexical du centre national de ressources textuelles et lexicales à la rubrique proxémie. Et quand vous parcourez les dictionnaires, explorez le voisinage alphabétique des mots.
Je prends le thème de la lumière, car le mot apparaît dans des milliers de titres de livres, il est à la source de bien des effets littéraires.
Avant de converser, définissez les mots. J'aurais envie de dire qu'avant d'écrire, trouvez les mots. Et cela demande quelques efforts. L'inspiration ne naît pas du vide. Les bons auteurs sont avant tout des lecteurs.
Pour éclairer votre lanterne
La simple évocation d'une source de lumière peut planter le décor de votre histoire : une ampoule, un quinquet, une bougie, une lampe-torche ou une oupille, une lanterne, une chandelle. Lisez plutôt.
L'opéra finit, la toile tombe, les spectateurs s'en vont, le lustre s'élève, on éteint les quinquets. L'odeur de lampe mal éteinte remplit la salle. (Stendhal, Amour, 1822, p. 182)
Si vous convoquez des mots comme fanal et phare, l'air iodé envahit l'atmosphère de votre histoire. Alors, à vous de reprendre le flambeau et de faire preuve d'un peu d'imagination.
Vous pourriez me répondre que toutes les histoires ne se déroulent pas à l'époque de Stendhal. Certes, mais la lumière peut apporter un éclairage sur les personnages, l'environnement, la situation. Exploitez son intensité à des fins littéraires, parez-la de couleurs émotionnelles. La lumière peut être artificielle ou naturelle, douce, intense, vibrante, aveuglante, pénétrante, tamisée, saturée. Lumière blanche, bleue, lunaire, solaire, lumière spectrale, lumière naissante, mourante. La manière dont se diffuse et se propage la lumière dans une scène de roman peut être prétexte à une personnification, un procédé littéraire toujours efficace, s'il est bien mené. La lumière peut vaciller, être blafarde, avare, crue, terne. Elle peut croître, diminuer, filer, se lever, jaillir, elle peut frapper. Espérons qu'elle soit inspirante.
Vous avez compris, alors je la mets en veilleuse...
En aparté : Un quinquet est une lampe à huile ou à pétrole. Cet objet d'éclairage de la fin du XVIIIe siècle porte le nom de son inventeur, un pharmacien français qui perfectionna un procédé existant. Les auteurs du XIXe s'emparent du mot. On le retrouve dans la poésie de Louis Aragon devenue chanson grâce à Jean Ferrat (« Que serais-je sans toi ? » Le Roman inachevé, 1956). « Ouvrir ses quinquets » veut dire ouvrir les yeux, observer attentivement. Les dictionnaires classent l'expression au registre familier. Encore faut-il que ce mot nous soit familier !
J’ai tout appris de toi pour ce qui me concerne Qu’il fait jour à midi qu’un ciel peut être bleu Que le bonheur n’est pas un quinquet de taverne […].
Louis Aragon, chanté par Jean Ferrat.

Ne vous imaginez pas que l’Amour, pour être vrai, doit être extraordinaire. Ce dont on a besoin, c’est de continuer à aimer. Comment une lampe brille-t-elle, si ce n’est pas par l’apport continuel de petites gouttes d’huile ? Qu’il n’y ait plus de gouttes d’huile, il n’y aura plus de lumière. Et l’époux dira : « je ne te connais pas. » Mes amis, que sont ces gouttes d’huile dans nos lampes ? Elles sont les petites choses de la vie de tous les jours : la joie, la générosité, les petites paroles de bonté, l’humilité et la patience, simplement aussi une pensée pour les autres. Notre manière de faire silence, d‘écouter, de regarder, de pardonner, de parler et d’agir. Voilà les véritables gouttes d’Amour qui font brûler toute une vie d’une vive flamme. Ne cherchez donc pas l’Amour au loin ; il n’est pas que là-bas, il est en vous. Entretenez bien la lampe et vous le verrez. Mère Teresa.